Texte réalisé par Frédéric Loyau, thermicien, gérant du bureau d’études Fiabitat, structure intervenant depuis 10 ans sur des projets d’écoconstruction.
Afin de favoriser la rénovation efficace des bâtiments, l’état met en place un dispositif appelé RGE, pour Reconnu Garant de l’Environnement, qui s’appliquera début juillet à l’ensemble des entreprises intervenant sur des travaux sur le bâti existant. Cette disposition, qui est dans la droite ligne du processus de qualification mis en place il y a quelques années sur les énergies renouvelables (Qualit’ENR), vise à pousser les entreprises à se former sur les enjeux de la réhabilitation énergétique, monter en compétence sur ce sujet et obtenir une qualification correspondant à cette compétence. Afin de pousser les entreprises dans ce sens, l’ensemble des aides de l’état sur la rénovation (TVA à taux réduit, prêt à taux zéro [foot]Voir les aides associées au RGE ici – rge-info.fr[/foot]) se trouvera conditionnée à l’obtention du précieux sésame à partir du 1er juillet 2014. L’objectif affiché est de permettre pour les maitres d’ouvrage une meilleure identification des professionnels capables, améliorer la qualité des travaux (via les formations et les organismes de qualification devenant un passage obligé).
Sur la lancée de cette disposition, qui s’accompagne d’un important volet communication (voir campagne j’éco rénove, j’économise), plusieurs organisations regroupant acteurs de la maitrise d’œuvre (architectes, bureaux d’études, économistes de la construction) ont poussé l’idée que les intervenants MOE puissent également valoriser leur métier via le signe de qualité Reconnu Garant de l’Environnement. Ce souhait a finalement été exaucé en novembre 2013 puisqu’une charte détaillant le dispositif spécifique aux études a finalement été validée par les acteurs concernés. Il serait applicable au 1er janvier 2015.
Nous nous concentrerons sur ce billet uniquement sur la disposition concernant les bureaux d’études, qui nous concerne plus directement.
Quelles sont les activités concernées ?
C’est l’une des premières surprises, il y a un monde entre l’intention et la réalité des activités concernées.
Si l’on en croit la charte RGE, sur le chapitre consacré au périmètre des études, il est d’abord dit ceci :
Ces prestations intellectuelles portent sur tout type de bâtiment et d’installation d’énergie renouvelable pour tout type de maître d’ouvrage et relèvent notamment des thèmes suivants :
• la conception bioclimatique et passive du projet architectural, l’enveloppe thermique y compris l’étanchéité à l’air et les transferts d’hygrométrie dans les parois ;
• les systèmes énergétiques de production/distribution/émission et régulation à partir ou non d’énergie renouvelable pour le chauffage, la climatisation, le rafraîchissement, l’eau chaude sanitaire la ventilation et l’éclairage.
Ces prestations intellectuelles, qui prennent en compte la maîtrise du coût d’investissement, d’exploitation et les problématiques de maintenance liées à la performance énergétique sont notamment réalisées dans le cadre des missions suivantes :
• missions d’assistance et/ou de conseil auprès des maîtres d’ouvrage dans le domaine de la performance énergétique.et des énergies renouvelables(assistance pour la prise de décision, vérification de l’intégration des objectifs de performance énergétique dans le programme et contrôle du respect de ces objectifs) ;
• missions de diagnostic thermique, d’étude thermique et d’audit énergétique ;
• maîtrise d’œuvre générale, totale ou partielle (études et/ou direction de l’exécution du contrat de travaux) ;
• ingénierie d’exploitation et de maintenance ;
Ce qui renvoie à l’idée d’une application à l’ensemble des activités des bureaux d’études, avec des intentions louables : valoriser le bioclimatisme et la construction passive, prendre en compte le comportement hygrothermique des parois pour l’existant. La concrétisation de ces intentions est quant à elle beaucoup plus minimaliste, où la prise en compte de l’hygrométrie dans les parois est juste ramenée à … posséder une licence d’un logiciel de calcul des transferts hygrométriques dans les parois [foot](et on parle ici de méthodes statiques, type glaser, pas d’approche dynamique globale via des logiciels comme Wufi).[/foot]
Plus particulièrement, au delà de ses bonnes intentions, les prestations réellement contraintes par le RGE sont uniquement celles qui bénéficient d’une écoconditionnalité. N’espérons donc pas que les bureaux d’études soient incités à faire de la construction passive. Seules certaines missions se trouvent désormais conditionnées à un signe de qualité et il n’existe pas, pour aucune des missions impactées par le RGE d’exigence de résultat particulière poussant les projets vers l’exemplarité. Ainsi, la démarche passive citée précédemment par la charte n’est pas dans ce périmètre. [foot] Il y a toutefois dans le tableau 2 de l’annexe de la charte page 25 une mention qui précise l’exigence demandée pour la conception passive (alors que rien ne la contraint jusqu’à présent), qu’il suffit pour le BET de … posséder une licence d’un logiciel de simulation thermique. Tout le monde peut d’une certaine manière valoriser le passif s’il suffit d’avoir une licence d’un logiciel thermique. Malheureusement ce n’est pas aussi simple dans les faits.[/foot]
Au 1er janvier 2015 donc, les études thermiques RT2012 dans le cadre des labels de l’état ([dt_tooltip title= »HPE »]Haute performance énergétique (le décret définissant le label n’existe pas à ce jour)[/dt_tooltip]& THPE), les diagnostics pour les collectivités/bailleurs sociaux/tertiaires aidés par l’Ademe [foot]voir liste exhaustive ici : http://www.centre.ademe.fr/notre-offre/collectivites/aides-ademe[/foot] ne pourront être réalisés que par des bureaux d’études disposant d’un signe de qualité RGE. Les activités classiques des BET ne sont pas touchées par le recours à la qualification obligatoire (donc une large partie des activités des bureaux d’études thermiques & fluides ne sont pas concernées, à commencer par les études thermiques classiques, les accompagnements en conseil à la rénovation, simulation thermique, etc). La disposition RGE prévoit toutefois à court terme que l’accès aux marchés publics sera favorisé pour les BET RGE, et le rouleau compresseur de communication de l’état associant professionnel non RGE à professionnel incompétent [foot]la communication RGE destinée aux particuliers par exemple : EXIGEZ UN PROFESSIONNEL RGE en étant un exemple assez parlant[/foot], poussera de fait tous les BET à chercher à obtenir ce signe de qualité sauf à vouloir se marginaliser.
Le périmètre des études nécessitant le signe RGE est très surprenant. Si on compare le champ d’application aux objectifs initiaux du RGE, qui vise à améliorer la qualité des prestations, pourquoi vouloir conditionner les missions des BET… qui sont déjà actuellement conditionnées ?
Prenons le cas des études RT2012 dans le cadre des labels HPE :
La procédure de labellisation suppose l’examen par un certificateur [foot]idem label BBC Effinergie avec Promotelec, cequami, prestaterre, cerqual…[/foot] du contenu de l’étude réalisée par le thermicien, qui devra tenir compte des remarques faites et modifier son étude le cas échéant. Si l’étude est fausse ou ne respecte par le cahier des charges du certificateur, le label et les aides financières ne sont pas obtenues, donc qu’apporte RGE en plus si ce n’est de la confusion ? Imaginons en effet qu’un maitre d’ouvrage fasse réaliser son étude RT2012 par un BET X. S’il décide sur le tard de demander un label, on lui demandera de refaire réaliser une étude thermique si le BET initialement missionné n’était pas RGE. Ce faisant, on ne s’attache pas au contenu des prestations et la qualité de l’accompagnement (l’étude initiale est peut être de bonne qualité et aurait peut être permis d’obtenir le dit label si vous aviez fixé cet objectif au bureau d’étude en amont) mais exclusivement aux objectifs de moyens préalables (qui ici suppose que le BET franchisse tous les obstacles nés de l’imagination des signataires de la charte RGE, voir plus bas) qui conditionneront sa possibilité de faire des études thermiques (sans compter l’imagination déja fertile des certificateurs au niveau de leurs cahiers des charges). L’accès aux aides publiques pour les projets en écoconstruction risque d’être semée d’embuches !
C’est le même principe pour les études conventionnées avec l’ademe, qui touchent les audits énergétiques, et certains accompagnements spécifiques pour les collectivités et entreprises. L’ademe intervient en amont pour valider le devis de l’étude proposée par le BET, et en aval examine le contenu des livrables de l’étude, vérifie s’il respectent les cahiers des charges et c’est seulement si l’étude est validée que les aides financières (qui financent une partie de l’étude) sont versées. Il n’y a pas spécialement à l’heure actuelle de problèmes de lisibilité des acteurs puisque l’ademe peut donner au maitre d’ouvrage demandeur d’une étude conventionnée une liste des BET compétents [foot]voir par exemple ici la liste ademe des BET pouvant intervenir en région Centre (barre de droite). Les BET listés sont soit ceux qui sont « connus » de l’Ademe, soit ceux qui sont déja intervenus sur des études financées par l’Ademe[/foot].
… Et c’est tout, ce sont les seuls travaux concernés par les éco-conditionnalités du RGE. Paradoxalement tous les accompagnements spécifiques à la réhabilitation du bâtiment ne sont pas concernés par le RGE puisque seuls les travaux sont aidés à l’heure actuelle (les dispositifs qu’il serait pertinent de mettre en œuvre en amont pour accompagner les projets de rénovation performante sont à l’état embryonaire, puisque la RT sur l’existant est obsolète -outils d’étude, objectifs de performance-, et les outils de calculs simplifiés proposés aux artisans dans le cadre des formations FEEBAT sont très simplistes, non adaptés pour les thermiciens). Les études thermiques sur l’existant ne bénéficient pas à l’heure actuelle de la TVA à taux réduit. Les dispositifs locaux d’aide à la décision et d’accompagnement des collectivités ou régions ne sont pour le moment pas concernées par le RGE, les conditions d’attribution dépendant du financeur [foot]qui pourrait éventuellement demain demander RGE mais aucune qualification n’étant centrée sur cette question de l’accompagnement des particuliers, celle ci n’est pas recommandée.[/foot]
Tout cela pose donc question : tout ce dispositif pour uniquement ça ? Quels sont les problèmes de qualité des missions, formation des intervenants qui pousse à mettre en place un dispositif pour que les BET soient RGE ? Ne peut on pas penser que les bureaux d’études thermiques sont quand même un peu au fait des questions relevant de la prise en compte de la thermique ?
La qualification : un changement de paradigme ou une usine à gaz inutile ?
Les organismes de qualification font partie des signataires de la charte pour la mise en œuvre du signe de qualité. Ils ont pu intervenir sur les contenus (et notamment tempérer les exigences initiales de l’état), une grande partie des exigences à respecter est une transposition de leurs cahiers des charges. Pour les BET, on retrouve l’OPQIBI et ICERT (et certivea dans une moindre mesure), l’OPQIBI étant de loin le principal organe de qualification des BET à l’heure actuelle.
Le premier changement qui n’est pas des moindres est le changement de place donné aux organismes de qualification, qui à l’heure actuelle qualifient les BET qui de manière volontaire souhaitent valoriser des compétences, vers un cadre ou les BET étant d’une certaine manière très fortement incités par les barrières aux non-RGE à obtenir une qualification, l’organisme de qualification se retrouve à potentiellement avoir droit de vie et mort sur les bureaux d’études souhaitant développer une activité conditionnée par le sésame RGE. Les conséquences économiques d’un refus/retrait d’attribution du signe de qualité pouvant être désastreuses pour le BET qui s’expose à une forte dévalorisation de ses travaux et une mise au ban pour ce qui concerne les missions de maitrise d’œuvre.
Il ne s’agit pas ici de critiquer les organismes de qualification qui interviennent comme « prestataire technique » à une demande qui vient de l’état, via le ministère du logement, le ministère de l’écologie, et l’Ademe national. Ceux-ci fonctionnent en général sur un principe ou la gouvernance au sein de la structure est assurée de manière paritaire par différents collèges composés d’institutionnels, de BET prestataires, et de clients. Les salariés effectuent les taches administratives liées aux dossiers de candidature. L’instruction des dossiers de qualification est assurée par un comité de qualification constitué par des pairs.
Pour être RGE, on trouvera les dispositions suivantes :
Répondre sur les pré requis que constituent les moyens humains (diplômes, années d’expérience), légaux et administratifs (examen des comptes de résultats des exercices précédents, statuts, attestation d’assurances, Kbis), indépendance vis à vis des fournisseurs d’énergie, et preuve d’achat des matériels / logiciels imposés par les qualifications
Se reporter sur la liste de qualifications existantes et constituer pour chaque qualification visée un dossier présentant des références sur le sujet signées par les donneurs d’ordre. Par exemple sur les études réglementaires en maison individuelle, on avance le chiffre de 20 dossiers détaillant les références de typologie différente à présenter
En critères complémentaires, selon les qualification demandées, il faudra suivre les formations imposées. Et oui, vous faites des études RT depuis 10 ans ? Vous devrez quand même suivre une formation sur le calcul RT si vous voulez pouvoir obtenir la qualification correspondante. La validation des acquis de l’expérience ? oups, oubliée.
Produire des références d’études sur le sujet de la qualification visée. On notera que de façon probatoire, on pourra obtenir le RGE sans fournir de référence sur une qualification donnée, celles ci devant alors être produite dans les 2 ans suivant l’attribution de la qualification (et ce faisant la qualification sera reconduite ou refusée cette fois sur base de l’examen des références).
Subir [foot]le terme subir est peut être exagéré, c’est une manière de percevoir le processus d’examen de son travail. On pourrait aussi considérer que le point de vue du comité de qualification peut apporter des commentaires pertinents pour améliorer les pratiques. Il est en revanche probable que dans le contexte présent, et l’impact pour la structure d’un rejet et le fait qu’elle ne soit pas spontanément demandeuse de cette procédure fasse que le terme subir soit tout à fait adapté[/foot] l’examen de votre dossier de candidature, avec les probables remarques sur la manière dont les rapports doivent être rédigés. On ne s’en rend pas forcément compte de prime abord mais souvent les qualifications induisent une standardisation des rendus des BET, qui sont réalisés non plus seulement par rapport au besoin du maitre d’ouvrage mais surtout pour satisfaire à la structure de qualification. Le taux de refus à l’heure actuelle est assez élevé (on avance les chiffres de 24% pour les premières demandes), chiffre qui augmentera probablement significativement du fait du caractère obligatoire du RGE, rendant cette étape centrale.
Payer les frais d’instruction, les frais d’utilisation du signe de qualité, les frais de contrôle annuels
On le voit donc aisément, devenir RGE ne se décide pas du jour au lendemain. Au delà du cout financier pour constituer une demande de qualifications, c’est surtout le temps nécessaire à constituer et suivre la demande de qualification jusqu’à obtention du sésame qui pose problème, surtout pour les petites structures qui n’ont pas de personnel administratif pouvant être dédié à cela. Ce qui en découle est que le dispositif RGE alourdira probablement le coût des interventions des BET qui devront [dt_highlight color= » »]forcément [/dt_highlight]répercuter sur leurs clients tout ce temps passé à montrer patte blanche sur leurs projets et à faire de la paperasse.
Il ne s’agit pas de dire ici que le principe même de la qualification pose problème, mais bien que nous pensons que cela devrait rester un choix du BET, qui pourra déterminer en fonction de sa clientèle l’intérêt à se doter ou pas d’un signe de qualité pour mettre en valeur des compétences. Car voyons maintenant les points qui fâchent vraiment :
Quel cout financier pour le bureau d’études
Si nous prenons notre cas particulier, dont les activités sont diversifiées dans le neuf et l’existant, avec pour fil conducteur l’écoconstruction, et en présupposant que les autres barrières puissent être franchies (y compris celles du temps à trouver pour constituer le dossier de qualification – problème d’autant plus présent qu’il n’y a pas chez nous de personnel administratif dédié).
Frais sur la première année (qui intéresse le BET au plus haut point puisque cet argent doit être disponible en trésorerie au moment de constituer la demande).
Prix du dossier postulant : |
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Frais d’instruction : |
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Prix d’utilisation de la marque : |
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Frais de contrôle annuel : |
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Soit autour de 2000 euros HT sur la première année.
On notera la différence de tarif entre une qualification d’audit énergétique facturée 52 euros HT, et la nouvelle qualification introduite pour le RGE « etudes réglementaires » proposé soit à 1000 euros HT, soit 1200 euros HT, qui laisse songeur.
Quand au temps à passer, il est astronomique pour nous, si l’on cherche à constituer des dossiers de référence pour chaque qualification, il faut au moins compter 1 personne à temps plein pendant 1 semaine.
On est ici dans une configuration « minimaliste », petit bureau d’études, faible CA, activités couvertes relativement standard, typiquement ce dont aurait besoin une personne seule travaillant à son compte. Il n’est pas besoin d’être devin pour professer qu’une partie des micro structures qui luttent actuellement pour leur survie n’auront tout simplement pas la trésorerie pour devenir RGE.
Le nombre de références demandées nuit aux micro structures
En corolaire de cela, on retrouve un peu comme le RGE travaux l’obligation de produire un nombre de références données. Par exemple, si je souhaitais prétendre à la qualification « études réglementaires en collectif / tertiaire », il me serait imposé, en plus des critères matériels et humains (formation obligatoire) d’avoir réalisé 8 dossiers dans les 2 dernières années [foot]Critère complémentaire spécifique « Références » *
Fournir un minimum de 8 références effectuées lors des deux dernières années accompagnées de leur Récapitulatif standardisé d’étude thermique (RSET).Présenter, pour au moins 4 de ces références, un dossier détaillé composé à minima des éléments supplémentaires suivants :- la sortie logicielle d’étude thermique comprenant le détail de la saisie de l’enveloppe (U de parois et ponts thermiques) ainsi que la saisie des systèmes ;- un rapport de synthèse écrit à destination de la maîtrise d’ouvrage reprenant les caractéristiques principales retenues et les résultats de l’étude ;- les plans à l’échelle orientés de l’opération ainsi que les façades et coupes ;- un justificatif de la SHONrt ou SRT ;- les justificatifs de performance des éléments saisis certifiés.Parmi celles-ci, il est souhaitable de présenter des références d’habitat collectif et de bâtiment tertiaire.
http://www.opqibi.com/nomenclature-fiche.php?id=1332[/foot].
Cela peut sembler logique, mais apporte une contrainte non négligeable malgré tout pour les petites structures. A notre niveau, nous réalisons en général pour le collectif des accompagnements de la programmation à la livraison du bâtiment en AMO ou maitrise d’œuvre, qui incluent les études thermiques réglementaires. Mais de ce fait, nous travaillons sur 1 ou 2 projets par an, car par ailleurs, nous avons d’autres activités d’études et formations, nous ne pouvons en traiter plus. Donc à notre niveau, cette qualification ne nous est pas accessible alors que nous pouvons traiter ce type de demande.
La encore, ce n’est pas spécifique à notre structure, le nombre de dossiers à produire est essentiellement une contrainte pour les micro structures qui ont une activité diversifiée, et basée sur un accompagnement au fil du projet (pas de l’étude réglementaire à la chaine). Sans témoigner de leur compétence ou non, le nombre de référence à produire constitue une barrière compliquée à produire.
Pourra t-on encore créer son bureau d’études demain ?
C’est une question que l’on pourrait se poser puisque pour prendre l’exemple de FIABITAT, les exigences décrites en annexe de la charte auraient empêché la création de notre SCOP si cette règle avait vu le jour en 2003. En effet, la charte stipule que ne peuvent être RGE que les structures dont les référents techniques disposent de X années d’expérience dans le domaine.
On pourra dire que on pourra continuer à créer des structures, dans la mesure ou elles ne sont pas sur le champ des qualifications concernées par les éco conditionnalités, mais le RGE inscrit une tendance, allant même souvent plus loin que les organismes de qualifications (par exemple l’OPQIBI demande à l’heure actuelle 1 an d’expérience au lieu de 3 aux diplômés de niveau 1).
Niveau de formation initiale |
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Durée d’expérience pour la compétence requise |
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Formation dans le domaine du signe de qualité |
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S’agissant de FIABITAT, structure que nous avons fait le choix de créer à la suite de notre formation initiale, avec de tels raisonnements, nous n’aurions tout simplement pas pu créer l’entreprise au simple motif que nous n’avions pas assez d’expérience !
Précisons tout de suite que nous ne disons pas que l’expérience n’est pas importante et qu’il faut pousser tout un chacun à se mettre à son compte sans connaitre un minimum le sujet, et que entre faire de l'[dt_tooltip title= »AMO « ]Assistance maitrise d’ouvrage[/dt_tooltip]pour un particulier qui veut rénover sa maison et faire la maitrise d’œuvre d’installations techniques en tertiaire il y a un monde. Créer un bureau d’études à la suite de sa formation initiale est déjà à l’heure actuel très compliqué, notamment pour obtenir une assurance en responsabilité civile RC Pro et une assurance décennale pour ses activités -sur un sujet comme la maitrise d’œuvre c’est probablement impossible-. Mais les créations de structure suite à une formation initiale ou continue représentent quand même une part significative des créations d’entreprises sur le sujet qui nous intéresse. En général des micro activités ayant un caractère innovant. Et puis il n’y a souvent pas le choix. A notre niveau, nous aurions apprécié pouvoir travailler dans un bureau d’étude local en écoconstruction pour nous constituer de l’expérience, seulement si nous avons créé fiabitat c’est surtout parce qu’une telle structure n’existait pas.
Il nous parait essentiel que cette clause soit tout simplement supprimée du RGE. Laissons les assureurs faire leur travail et évaluer au cas par cas la pertinence des projets (dont l’un des rôles est de conseiller en fonction de l’évaluation d’un risque, qui ne s’apprécie pas qu’à l’aune des diplômes). A l’heure actuelle, obtenir une assurance pour un BET débutant relève déjà d’un exploit. Le principe d’exclure « à priori » du RGE est juste ridicule. N’oublions pas un paramètre important : si la rénovation des bâtiments devient un enjeu majeur et que des centaines de milliers de logements doivent être rénovés chaque année, cela supposera de nouvelles entreprises, beaucoup, et plutôt des micro structures aptes à intervenir sur le logement individuel. Une part de celles-ci seront créées par les personnes suivant une formation initiale sur le sujet, ou après une reconversion et une formation longue diplômante, ou même en étant autodidacte. Il faut d’une part que cela soit possible et que d’autre part on puisse même au contraire plutôt accompagner ces porteurs de projet pour que celui-ci fonctionne au lieu de les recaler d’entrée faute d’avoir le nombre d’années d’expériences requis énorme.
Enfin, arrêtons nous quand même un instant sur la situation absurde dans lequel certaines entreprises se trouvent à l’heure actuelle : si certains ont fait le choix de créer leur entreprise à la suite de leurs études l’année dernière, ils vont découvrir que de toute façon ils ne pourront pas être RGE … parce qu’ils n’ont pas assez d’expérience tout simplement, même si par ailleurs, leur travail est de qualité. Que doit-on leur dire : « raté, il fallait créer votre entreprise 2 ans plus tôt » ?
Des qualifications, oui … mais qui correspondent à la diversité des métiers des BET, ce serait mieux
C’est en tout cas l’une de nos interrogations. Si nous devons être RGE, sur quelles qualifications peut on faire reconnaitre nos savoirs faire ? Les différentes qualifications liées au RGE à l’OPQIBI sont en effet loin de couvrir la diversité de nos métiers, ou l’application sur une typologie précise. Voir par exemple la qualification sur l’étude en isolation thermique du bâtiment, qu’un spécialiste de la construction passive pourrait être tenté de valoriser. La description de l’intitulé « Isolation thermique, intérieure ou extérieure, et équipements associés (supports, gaines…), pour toutes zones climatiques de :- toutes constructions (habitations, tertiaires, hôpitaux, usines…),- d’enceintes (laboratoires, usines frigorifiques, abattoirs…).avec exigences de qualité hygrométriques et thermiques » est de nature à refroidir la quasi totalité des acteurs impliqués dans le passif. Les BET sont en général structurés pour être en capacité de répondre sur des typologies précises, notamment l’habitat. Quel est l’intérêt de regrouper toutes les typologies dans une seule qualification si ce n’est faire le tri ? Autre exemple, la simulation thermique dynamique ne fait pas partie des qualifications proposées, idem pour l’AMO simple pour des projets en écoconstruction, idem pour la construction passive certifiée. Ajoutons à cela que nous avons pris l’habitude d’utiliser nos propres outils, optimisés pour notre besoin, et nous avons là une recette qui ne satisfera probablement pas à l’obtention d’une qualification X ou Y (en général les qualifications sur l’existant placent sur un piedestal les outils du CSTB et ignorent les autres). Et cette question ne nous est pas spécifique : la rénovation globale implique de nouveaux métiers transversaux, diversifiés, qui ne peut pas uniquement reposer sur les qualifications classiques des bureaux d’études fluides/climatique.
… Et aux adaptations locales des dispositifs d’aide à la décision, c’est encore mieux
Par ailleurs, les qualifications peuvent souvent amener à des biais redoutables pour les acteurs de terrain. Par exemple, nous sommes actuellement l’une des seule région ayant mis en place une action collective des bureaux d’études, qui a entre autre permis aux différents acteurs locaux (la région Centre, la délégation régionale de l’Ademe, les bureaux d’études participant à l’action) d’adapter/améliorer le cahier des charges des audits énergétiques. La région Centre n’applique donc pas le cahier des charges national sur l’audit énergétique depuis plusieurs années. Ce faisant, et ce point éclaire un aspect du problème, les audits réalisés dans ce cadre ne pourront servir aux BET comme référence … puisque ne respectant pas le cahier des charges national servant de référence pour l’OPQIBI pour l’attribution de la mention RGE.
Absurde n’est ce pas ? Les dispositifs d’accompagnement sont financés par la Région, examinées/validées par l’Ademe régional, réalisés par les prestataires BET locaux, et le signe de qualité RGE, ne s’étant pas donné la peine de consulter les acteurs locaux les met hors jeu de fait, alors que son objectif de départ était de donner de la lisibilité. Dans ce cas précis, au lieu de récompenser le travail précédent fait en région pour créer de la compétence et de la visibilité, on le balaie. De quoi pousser tout un chacun à remiser le signe RGE au placard, puisqu’il échoue manifestement dans tous ses objectifs vertueux affichés.
Pour conclure
Ce bilan n’est pas exhaustif, mais vise à donner un éclairage sur certains aspects d’un problème qui est beaucoup plus vaste. Avec le RGE à aucun moment on ne demande aux bureaux d’études ou aux entreprises de travaux à ce que le résultat soit de meilleure qualité. Le saupoudrage de formations autour des enjeux du développement durable, tant qu’il ne se traduit pas par des objectifs de résultats réels ne sert à rien, si ce n’est à se donner bonne conscience avec des logos « garant de l’environnement », dont personne ne semble s’apercevoir de l’outrance du mot pour ce qui relève dans les faits de posséder des logiciels, avoir fait des formations (peut-être si courtes qu’information serait un terme plus approprié), et évidement respecter les cahiers des charges impliquant l’application d’une méthode. On ne s’intéresse pas à la réalité de ce qui est construit[foot]les références visent juste à vérifier que les projets correspondent aux référentiels des qualifications[/foot], son impact environnemental et pas simplement la thermique. On ne valorise pas les entreprises vertueuses mais uniquement celles qui respectent les règles édictées par l’état. Notre travail est de chercher à réduire l’impact environnemental des projets, mais personne n’est en mesure de « garantir » des vertus environnementales, même lorsque l’on initie un projet en écoconstruction ce qui n’est pas le sujet du RGE. On ne parle pas de limiter l’énergie grise des rénovations ou limiter les émissions de gaz à effet de serre : on demande juste aux BET de payer un organisme de qualification (que nous ne mettons pas en cause ici) et respecter ses règles, et pour les entreprises de respecter les conditions d’écoconditionalité, ce qui se limite souvent à mettre n’importe quel isolant du moment qu’il obtient le R minimal. Nous pourrions donc en rire si les questions liées au changement climatique en cours n’étaient pas si grave.
D’une certaine manière, le vrai projet autour du RGE études est de profiter du champ de tir ouvert par le RGE travaux pour réglementer les professions sans véritable concertation ni implication des acteurs de terrain, et au pas de course. Il serait plus que temps que nous nous questionnions sur l’impact des dispositifs en amont, et posions la question centrale : à quoi / qui sert le RGE études/travaux ? Sur le RGE études, les études visées par le dispositif sont déjà conditionnées et ne concernent que de loin le sujet de la transition énergétique [foot]Non pas qu’elles ne servent à rien, au contraire, mais ce sont des dispositifs qui existent depuis des années et ne sont pas liés à la reflexion autour de la loi sur la transition énergétique[/foot], pourquoi demander aux BET de suivre une procédure indigeste et discriminante pour faire … la même chose que ce qu’ils font déjà ? Cela sert donc surtout d’excuse à un remodelage des BET sur le modèle des métiers définis par les organismes de qualification, pénaliser les micro structures qui n’ont pas les moyens humains pour s’adapter à ses contraintes (pendant que l’on s’évertue à obtenir le sésame, on ne travaille pas sur les projets), surtout celles qui sortent un peu du moule (pas assez d’expérience, pas assez de diplômes, pas assez de références correspondant aux qualifications visées, champ d’expertise du BET qui ne rentre pas dans les cases), et sert sur un plateau d’argent une clientèle obligée aux organismes de qualification, facturant un signe de qualité qui n’intéresserait qu’une faible part des maitres d’ouvrage s’il n’était pas imposé. Ainsi, alors même que nous sommes devant une urgence sans précédent pour rénover tous les bâtiments et les transformer très profondément pour en faire des bâtiments passifs, au lieu de favoriser l’émergence de toutes les bonnes idées, nous produisons un véritable goulot d’étranglement. Au lieu d’aider les jeunes à se lancer et à monter les nouvelles entreprises dont nous aurons besoin pour avoir une *petite* chance d’arriver à accomplir la transition énergétique (et pour lutter contre le désastre économique en cours, le chômage, tout ça…), nous leur faisons payer cher une nouvelle barrière qu’ils ont peu de chance de pouvoir franchir. Est-ce qu’on avance vraiment dans la bonne direction ?
Cela révèle en réalité un écart de paradigme sur la manière dont les élites imaginent le problème. Ils pensent que la rénovation ne va pas assez vite parce que les entreprises ne sont pas assez compétentes, donc qu’il faut les former. Alors qu’en réalité, si la rénovation n’avance pas, c’est parce que tant qu’on ne fait pas payer le poids de la pollution et de l’énergie grise, elle n’est pas rentable ! Elle n’est tout simplement pas concurrentielle avec le neuf, et donc il n’y a pas de marché.
Et sans marché, peu importe la formation des entreprises ou même leur inventivité : sans clients elles ne vendront rien.
Faut il dans ce cadre chercher à devenir RGE ? Au niveau de Fiabitat, nous avons choisi, nous ne le serons pas.