« la RT2012 : une révolution énergétique ? »

Contribution collective du RÉSEAU écobâtir – Mai 2013

Alors que les effets d’annonces laissaient espérer que la RT2012 serait dans la ligne directrice fixée par le Grenelle, elle s’avère hélas décevante sur de trop nombreux points, et reste loin des objectifs affichés : donner le cap pour que nos consommations énergétiques soient divisées par 4 d’ici à 2050. Le RÉSEAU écobâtir (réseau d’acteurs de la construction écologique) a analysé la réglementation thermique 2012 et produit un document qui remet en évidence la nécessité d’une approche multi critères : « La RT 2012, une révolution énergétique ? ».

Au vu de l’urgence d’une nouvelle politique énergétique, au vu de la précédente réglementation thermique et de celles des autres pays européens, le RESEAU écobâtir se réjouissait de voir qu’un projet ambitieux était enfin avancé pour diminuer l’empreinte énergétique de la construction française. En effet, les communiqués officiels sur la réglementation thermique 2012 faisant référence aux démarches BBC (Bâtiment Basse Consommation), maison passive (ALLEMAGNE) ou Minergie (SUISSE) étaient prometteurs. Mais qu’en est-il en réalité ?

On ne peut que se féliciter de la volonté du législateur de baisser les consommations par rapport à la RT2005 et de la timide tentative de réfléchir en termes de résultats et non plus seulement de moyens. Malheureusement, force est de constater que l’objet final n’est qu ‘une dilution des bonnes intentions de départ: l’influence des lobbies des producteurs d’énergie, d’équipements et des fabricants de maisons, enrobé dans le « savoir faire » du CSTB en matière de production de complexité a largement dénaturé l’ambition initiale.

L’annulation récente de la RT2012 (pour vice de forme), faisant suite au recours devant le conseil d’état demandé par la filière du chauffage électrique (via le GIFAM), ne doit pas faire oublier que les argumentations qu’utilisent continuellement ses structures reposent sur des données falsifiées ne contribuant qu’à créer de la confusion.

En effet :

  • S’il est indiqué dans le texte de loi que les bâtiments doivent consommer moins de 50 kWhep/m²SHONRT.an, ils en consommeront souvent beaucoup plus. Par exemple, certaines modulations peuvent multiplier par plus de dix cette valeur de base, comme pour les bâtiments commerciaux.
  • Pour faire baisser artificiellement le besoin de chauffage des logements, des astuces relevant du bricolage logiciel ont été mises en place afin de sous-évaluer le besoin d’énergie : par exemple, en semaine, tous les locaux d’habitations, même ceux occupés pendant la journée ne sont chauffés qu’à 16°C de 9h à 17h ; une semaine d’inoccupation est comptée pour tous les logements. Mais les français partent-ils tous systématiquement aux sports d’hiver ? Ainsi, un bâtiment peut afficher avec la démarche RT2012 une performance de 15 kWh/m2.an et être évalué à 41 kWh/m2.an selon la démarche passive. Le bâtiment basse consommation « à la française » affiche donc des performances de niveau passif alors qu’il en est loin.
  • De ce fait, les calculs sont annoncés comme n’ayant aucune valeur prédictive. Les consommations seront affichées et sans doute surveillées par les matres d’ouvrage ouvrant la porte à des actions en justice : mais contre qui ? Rappelons que la seule performance qui vaut, c’est celle qui est constatée dans la réalité et dans le temps. Or, s’il y a contradiction entre le calcul et le réel, c’est le calcul qui a raison du point de vue légal.
  • L’outil pour valider le respect de la réglementation (la méthode de calcul « ThBCE ») est d’une complexité administrative pseudo-scientifique qui le rend shareit app download difficilement compréhensible. Les 1450 pages de la méthode ThBCE n’éclairent hélas pas sur l’objectif ! Cette obligation de passer par un logiciel « bote noire » rend la démarche obscure et absolument inaccessible même par les spécialistes. On aurait à l’inverse pu envisager, comme certains de nos voisins européens, que l’outil soit un logiciel « open-source », simple et gratuit, qui aurait permis aux différents acteurs du projet de vérifier la conformité de celui-ci à chacune de ses étapes. Summum de l’absurde, cette opacité kafkaïenne se poursuit dans une succession d’arrêtés de loi, où il faut une cinquantaine de pages pour décrire les coefficients de pondération qui s’appliquent à la valeur maximum autorisée en énergie primaire conventionnelle.
  • Les systèmes les plus simples et les plus logiques sont arbitrairement pénalisés, obligeant à des sur équipements hightech. Ainsi au 31 décembre 2012, un poêle à bûche était « réglementairement » capable de chauffer 110 m², mais le 1° janvier il ne pouvait plus chauffer que 100 m² : or il existe des exemples ou un petit poêle peut chauffer une surface supérieure à 150 m² !
  • Le principal reproche fait à la RT2005 était qu’elle n’était pas appliquée dans la réalité (estimations de 50 à 60% d’infractions). Pas de révolution de ce coté, au contraire : plutôt que de doter son administration de moyens de contrôles, l’état sous traite la vérification à des tiers privés (diagnostiqueur DPE, architectes, contrôleurs techniques, certificateurs), et dans certains cas accorde des dérogations aux pav illonneurs , avec exemption jusqu’à 90% des pavillons non testés.

En fin de compte, il apparat que la réglementation thermique 2012 privilégie une vision industrialisée et figée de la construction, très favorable à un certain nombre de lobbies actuels et laisse peu de place à une conception partagée et réfléchie allant de l’architecture aux matériaux et à leur mise en œuvre. Elle n’encourage pas les acteurs à innover et risque fort de faire perdurer des constructions de médiocre qualité, énergivores et peu confortables en été comme en hiver. Elle évacue toute notion de durabilité sociale, environnementale et économique de la construction.

Devant les enjeux énergétiques, sociaux et environnementaux de demain, le RÉSEAU écobâtir est inquiet de voir perdurer un modèle théorique pseudo-scientifique analysant les bâtiments sous le seul angle de la thermique. Ce modèle, déjà défaillant et insuffisant en lisibilité pour faire valoir des choix pertinents sur ce plan, doit être corrigé, et surtout élargi pour répondre à l’ensemble des enjeux : une vraie grille d’analyse globale multicritère faisant des indicateurs énergétiques une part de la réflexion vers une démarche environnementale et se fixant pour objectif de conduire la transition écologique nécessaire, en impliquant l’ensemble des acteurs.

C’est l’objet de notre publication « RT2012, une révolution énergétique ?» disponible sur le lien ci dessous.